Coupe du monde 2026 : quand le football se découpe en pauses publicitaires

Franck-Abed


En rentrant chez moi, après une journée de travail comme je les aime, j’ai entendu une information étonnante et confirmée par plusieurs sources crédibles : la FIFA annonce que tous les matchs de la Coupe du monde 2026 seront interrompus par une pause d’hydratation obligatoire de trois minutes en plein milieu de chaque mi-temps, quel que soit le climat, le stade ou la présence d’un toit.

Officiellement, ces pauses visent à protéger la santé des joueurs. Mais dans les faits, elles découpent le match en quatre segments, à l’image du basket-ball, ouvrant ainsi de nouvelles fenêtres potentielles pour la publicité. Certains médias évoquent déjà la possibilité que ces trois minutes deviennent un support récurrent de messages commerciaux.
Ce qui me frappe, ce n’est pas simplement la mesure en elle-même, mais le silence complet de la FIFA sur les implications réelles de ce changement. La plus grande compétition sportive du monde s’apprête à transformer la structure du jeu sans explication approfondie quant à ce que cela signifie pour le rythme, l’intensité ou l’esprit du match.
Derrière cette décision se cache une réflexion plus large : que se passe-t-il lorsque la logique marchande s’invite dans la temporalité même du sport ? Le football, qui reposait jusqu’à présent sur un récit continu - deux mi-temps, un rythme organique - se voit désormais segmenté, calibré, découpé pour répondre aux exigences des diffuseurs et des marchés audiovisuels. On passe alors d’un temps de jeu vivant, fluide, imprévisible, à une temporalité industrielle pensée pour optimiser l’attention et la rentabilité. Cette dernière a déjà fait beaucoup de dégâts dans le sport en général et dans le football en particulier. Jusque quand ?
Il s'agit d'une des transformations les plus profondes : le passage d’un temps vécu à un temps mesuré. Depuis toujours, un match de football appartient à ce temps continu que Bergson appelait la durée, un flux unique où l’émotion, l’incertitude et le rythme se construisent sans rupture. En introduisant des coupures artificielles, le jeu bascule dans un temps découpé, quantifié, organisé en segments fixes. Le football cesse d’être une narration continue pour devenir un format, un cadre temporel rationalisé proche des exigences télévisuelles. Ce changement altèrera certainement l’expérience même du spectateur qui ne vivra plus le match comme une tension dramatique ininterrompue, mais comme une succession de moments séparés.
Philosophiquement, cela interroge la nature profonde du sport moderne. Est-il encore un jeu, avec sa spontanéité et son écoulement propre, ou devient-il un produit, soumis aux logiques d’interruption, de formatage et de monétisation ? La question dépasse largement le football. Effectivement, elle touche à notre rapport contemporain au temps, à l’expérience du spectacle et à la manière dont la financiarisation tend à absorber toute forme de pratique collective.
Pour ma part, je ne suis pas opposé à l’évolution des règles lorsqu’elles sont nécessaires ou cohérentes. Mais j’estime essentiel que les transformations majeures du sport soient expliquées, discutées et surtout assumées...

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