À une époque où la France vacillait, affaiblie par les trahisons intérieures, les querelles de factions et les invasions étrangères, surgit une figure aussi inattendue que salvatrice : une jeune paysanne des marches de Lorraine. Elle s’appelait Jeanne d’Arc. Son souvenir indéracinable continue de rayonner jusqu’à nous, en ces temps d’oubli et de confusion.
Adolescente sans titre ni pouvoir, elle ne fut pas élue, ni désignée par un vote, une assemblée ou une majorité, mais choisie par Dieu Lui-même. Et cette légitimité surnaturelle, supérieure à toutes les légitimités humaines, lui conféra toute sa force. Restée dans l’histoire comme la Pucelle d’Orléans, elle incarne la sainte, la guerrière, la martyre et surtout celle qui se leva quand beaucoup pliaient. Elle préféra obéir à la voix du Ciel plutôt que céder aux basses compromissions humaines.
Son épopée doit être considérée comme un chapitre glorieux de notre passé. Effectivement, elle est un rappel à nos devoirs et un appel à l’engagement. Elle nous enseigne que les grands renouveaux de la France ne viennent pas des procédures ou des urnes, mais des élans d’âme, du sacrifice, et parfois d’un choix divin. Jeanne d’Arc demeure un mythe indépassable : celui d’une France fidèle à sa vocation, relevée non par le nombre, mais par la Grâce.
Née en 1412 à Domrémy, dans une France morcelée, affaiblie et partiellement occupée par les Anglais, Jeanne d’Arc grandit dans une famille de laboureurs aisés et profondément chrétienne. Un jour, elle affirma entendre saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite. Ces messagers célestes ne lui parlaient ni de gloire ni de conquêtes territoriales. Mieux, ils lui confièrent une mission divine et redoutable : chasser les Anglais hors du royaume et conduire le gentil dauphin Charles à Reims.
En effet, le petit roi de Bourges devait ceindre la couronne de ses ancêtres capétiens selon les rites ancestraux, afin de faire taire les doutes sur sa légitimité pour restaurer, dans tout le royaume, la confiance en sa cause et en ses armes. Ce sacre, plus qu’un simple acte politique, était en réalité un geste fondateur destiné à rétablir l’ordre monarchique. Il raviverait l’espérance dans une France déchirée et établirait Charles comme roi de droit divin…
Il convient de le rappeler - même si cela a été écrit maintes fois - que les voix entendues par Jeanne ne sauraient être réduites à un simple songe, ni assimilées aux élans d’une imagination exaltée. Elles ne relèvent ni de la rêverie mystique ni de l’hallucination, mais d’une expérience spirituelle profonde, enracinée dans une foi vive et une conscience droite. Jeanne reçut et compris sa vocation qui lui permettrait de gagner son Ciel et une reconnaissance à tout jamais des Français fidèles. Jeanne obéit à Dieu, quitte à décevoir ou étonner ses proches. Elle fut fidèle à sa mission et porta un amour ardent à la France. Elle tiendra debout contre vents et marées, nonobstant les difficultés dans les épreuves, portée par une certitude intérieure qu’elle accomplissait les volontés de Dieu : « Que votre volonté soit faite, sur la terre comme au ciel ».
En 1429, après bien des obstacles et de nombreuses résistances, Jeanne parvint à se rendre jusqu’au dauphin Charles, qu’elle rencontra à Chinon. Par la droiture de sa parole, l’assurance venue d’en haut et la pureté qui émanait d’elle, elle convainquit Charles de Valois de sa mission divine. Ainsi, contre tout logique, il lui confia un convoi de ravitaillement et non une armée comme nous pouvons le lire trop souvent…
En avril 1429, Jeanne entra dans Orléans, alors assiégée depuis de longs mois par les Anglais. Elle redonna courage aux soldats, ranima les cœurs abattus et galvanisa les esprits par le triomphe de sa volonté, reposant sur les voix venues d’en-haut. En moins de dix jours, contre toute attente, elle fit lever le siège. Le vent de la victoire souffla enfin sur la France meurtrie. Dans son sillage, l’armée reprit Jargeau, triompha à Patay et ouvrit la route de Reims. C’est là que, le 17 juillet 1429, Charles reçut la couronne dans la cathédrale des rois. Jeanne, présente aux premières loges, assista au sacre qu’elle avait rendu possible. Elle eut l’insigne honneur de se tenir aux côtés de celui qu’elle avait contribué à faire roi : Charles VII.
Mais l’enthousiasme se dissipa. Charles VII, désormais sacré, préféra temporiser, conscient que le pays souffrait et que les troupes avaient besoin de repos. Ses conseillers, mal éclairés, crurent que le sacre constituait à lui seul la victoire finale, alors même que le royaume demeurait en grande partie occupé et que l’ennemi tenait encore Paris.
Privée de soutien politique réel, Jeanne tenta un nouvel assaut sur la capitale. Repoussée, blessée, elle ne renonça pas. Animée par sa foi et son amour de la France, elle continua de combattre, seule contre tous, fidèle à ses voix. Les troupes ne purent reprendre Paris, à son grand regret. Il ne faut pas oublier que l’argent et les vivres faisaient cruellement défaut. Charles VII était entouré d’un conseil profondément divisé, tiraillé entre la prudence diplomatique et la volonté de poursuivre l’offensive. Faute de moyens et de cap clair, l’armée dut se replier, puis fut finalement dissoute. Cette décision marqua un coup d’arrêt brutal à l’élan suscité par les victoires de Jeanne.
Elle n’abandonna pas. Meneuse d’hommes, Jeanne se mit à la tête de ses troupes pour poursuivre le combat. Après plusieurs engagements, elle décida de libérer Compiègne. Elle marcha sur la ville avec ses volontaires. Lors d’un assaut, le 23 mai 1430, elle tomba de cheval et fut capturée par les Bourguignons, puis livrée aux Anglais. Avant d’être vendue à l’ennemi héréditaire, elle tenta de s’échapper par deux fois, sans succès. Conduite à Rouen, elle y fut enfermée, isolée, interrogée, humiliée.
Ce ne fut pas un procès religieux, mais un procès politique ou de propagande, orchestré pour détruire son image et affaiblir la légitimité de Charles VII. Les juges, soumis à l’ennemi, l’accusèrent d’hérésie, de sorcellerie, de travestissement… Jeanne résista. Seule, sans avocat, face à des théologiens retors, elle fit preuve d’un esprit et d’une foi remarquables. Ses réponses, d’une clarté désarmante, mirent en difficulté ses accusateurs : « Jeanne, croyez-vous être en état de grâce ? — Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir ». Réponse admirable de sainteté et de justice qui ébranla profondément plusieurs de ses contradicteurs. Pourtant, elle fut condamnée. Le 30 mai 1431, à dix-neuf ans, Jeanne fut brûlée vive sur la place du Vieux-Marché à Rouen. Dans les flammes, elle cria le nom de Jésus. Son corps disparut, mais son cœur ne brûla pas.
Pour empêcher que ses restes ne devinssent des reliques, le bourreau jeta de l’huile de poix sur ses entrailles afin de les détruire définitivement. Les cendres et les débris calcinés furent ensuite jetés dans la Seine, empêchant ainsi les fidèles du royaume de France d’en faire un lieu de culte…
Vingt-cinq ans après sa mort, en 1456, à la demande de sa mère Isabelle Romée, le Pape Calixte III ordonna la réouverture du procès de Jeanne. Cette fois, les juges furent impartiaux, les témoins entendus librement, sans intimidation ni pression. Le verdict rendu fut sans appel : Jeanne était innocente. Les accusations qui l’avaient menée au bûcher se révélèrent sans fondement. Elles n’étaient, en réalité, que le fruit d’un procès inique, orchestré et instrumentalisé par des ennemis politiques désireux de discréditer Charles VII en frappant celle qui avait incarné sa légitimité retrouvée.
Conduit dans un esprit de justice et de vérité, ce second procès effaça l’opprobre du premier et restitua à Jeanne d’Arc sa dignité, lavant son nom de toute infamie. La justice des hommes, enfin, rendit hommage à la fidélité, au courage et à la sainteté de celle que Dieu avait choisie pour relever la France.
Les siècles passent, et pourtant la figure de Jeanne d’Arc demeure, toujours plus présente au cœur de l’imaginaire français. Tous les courants politiques, selon les époques, ont invoqué son souvenir : fille du peuple, restauratrice de la monarchie, figure de la résistance ou incarnation du sursaut national. Chacun a voulu voir en elle le reflet de ses propres idéaux. À la croisée de la foi, du patriotisme et de la justice, Jeanne incarne une mémoire vive, un symbole d’unité profonde et de fidélité à la vocation historique de la France.
Béatifiée en 1909, puis canonisée en 1920 par Benoît XV, elle est proclamée sainte patronne secondaire de la France. Aux côtés de saint Denis, de sainte Thérèse de Lisieux et de saint Louis, Jeanne rejoint le panthéon spirituel d’un pays marqué à jamais par le sceau du baptême. Dès lors, Jeanne entre pleinement dans l’histoire sainte de la nation française : celle d’un peuple que Dieu n’a jamais abandonné, même dans les heures les plus sombres.
À chaque péril, surgissent des figures providentielles, suscitées pour relever le pays et lui rappeler sa vocation. Jeanne n’est plus seulement une martyre ou une héroïne nationale ; elle devient un repère spirituel et un signe d’espérance indestructible. En elle, la France reconnaît une intercession possible, une fidélité incarnée, une sainte à laquelle nous pouvons toujours revenir, quoiqu’il advienne.
Jeanne d’Arc ne doit jamais devenir une simple héroïne figée dans les pages de nos vieux manuels scolaires. Elle est bien davantage : une figure archétypale, une sainte guerrière, une messagère envoyée par Dieu dans un monde fracturé, livré aux trahisons des puissants et aux compromissions des hommes. À travers elle, se manifeste cette alliance unique entre le Ciel et la terre, entre la foi et le pouvoir, entre la mission surnaturelle et l’avenir de la France. Jeanne nous rappelle que la Providence choisit souvent les plus humbles pour confondre les puissants.
Je sais que le courage enraciné dans la foi peut abattre les murailles les plus infranchissables. La fidélité au devoir, poussée jusqu’au sacrifice, laisse une trace impérissable. L’histoire de France ne se réduit pas aux seuls faits politiques ou militaires : elle peut – et doit – aussi se lire à la lumière du spirituel, parce que dans cette dimension bien des événements prennent tout leur sens.
En ces temps d’incertitude, où beaucoup de Français souffrent et doutent d’un avenir meilleur, Jeanne reste un phare incandescent. Elle nous enseigne que la vérité ne dépend ni des sondages ni des majorités. La foi peut soulever tout un peuple comme nous le montre l’épopée johannique. Jeanne demeure, pour la France, l’incarnation du courage chrétien, de la vocation politique orientée vers le bien commun, et du sacrifice librement consenti pour une cause juste et supérieure.
A méditer, à ne jamais oublier…

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