Parler de Jésus dans le dialogue interreligieux peut s’avérer périlleux dès lors que la vérité sur Lui n’est pas clairement exprimée. Les échanges entre chrétiens et musulmans se veulent courtois et apaisants, mais cette recherche d’harmonie conduit souvent à confondre les mots et les doctrines. Parmi les formules fréquentes, une résume ce travers : « Nous, musulmans, respectons Jésus. Il est même cité dans le Coran, tout comme sa mère ». En apparence fraternelle, cette phrase recouvre en réalité une divergence irréductible.
Notre époque valorise l’entente plus que la vérité et préfère les nuances rassurantes aux distinctions exigeantes. Dire que l’islam « respecte Jésus » s’avère inexact, car ce respect s’adresse à une figure nommée Issa. Le Christ de la Bible et l’Issa du Coran ne renvoient ni à la même identité, ni à la même mission, révélant une opposition doctrinale irréconciliable.
Dans la foi chrétienne, Jésus incarne le Verbe de Dieu fait chair, Fils éternel du Père, crucifié, mort et ressuscité pour le salut de l’humanité. Dans le Coran, Issa, fils de Maryam, est un prophète éminent, mais un homme seulement. Sa crucifixion n’existe pas, sa divinité est écartée, sa résurrection effacée. La sourate 4 affirme : « Ils ne l’ont ni tué ni crucifié, mais cela leur a semblé ainsi ». En une seule phrase, tout le cœur du christianisme - l’Incarnation, la Croix, la Résurrection - se trouve nié et rejeté. Si le drame du Calvaire s’efface, toute la réalité de la rédemption se dérobe, comme si la lumière du salut se retirait du monde. Sans Croix, il n’y a plus de pardon ; sans Résurrection, plus d’espérance ; sans divinité, plus d’Incarnation. Supprimer la Croix revient à ôter au christianisme son centre de gravité.
Souligner les différences religieuses ne dresse pas de barrières, mais reconnaît avec clarté les contours propres à chaque foi. La discussion véritable ne s’enracine ni dans l’ambiguïté ni dans le relativisme, mais dans la clarté des convictions et la cohérence doctrinale. La paix ne se bâtit ni sur le mensonge, ni sur le reniement de soi.
Trop souvent, au nom d’une tolérance mal comprise et trop facilement invoquée, certains sacrifient la foi pour ménager les sensibilités ou les susceptibilités. Renier ou taire ses convictions par peur de déplaire révèle une faute grave, privant celui qui agit ainsi de toute crédibilité et de toute autorité morale. Dans le débat public comme dans la vie quotidienne, la solidité de convictions claires et pleinement assumées constitue le socle de toute parole digne d’être entendue.
L’unité ne se construit pas dans la confusion, mais dans l’affirmation nette des convictions. Le respect véritable naît de la fermeté et non des compromissions intellectuelles ou théologiques. Le monde n’a nullement besoin d’âmes tièdes, mais d’hommes enracinés, capables de dire ce qu’ils pensent. L’échange sincère, qu’il soit entre religions, nations ou civilisations, devient possible lorsque chacun parle à visage découvert, porté par la force tranquille de la vérité.
Affirmer qui est Jésus selon la foi chrétienne n’est pas un geste de fermeture, mais un acte de fidélité profonde à la vérité révélée, capable d’éclairer toutes les personnes de bonne volonté. Ce nom ne renvoie pas à un simple prophète honoré ou à un messager parmi d’autres, comme certaines constructions idéologiques le soutiennent, mais au Christ crucifié et ressuscité, Fils de Dieu incarné, dont la vie, la mort et la résurrection accomplissent pleinement les Écritures. Contrairement à Issa dans la tradition islamique, dont le rôle reste celui d’un prophète jamais crucifié, Jésus-Christ est l’ultime manifestation de l’amour de Dieu pour l’humanité, à la fois véritable homme et véritable Dieu, acteur souverain de l’histoire du salut.
La plus belle forme de respect envers ceux qui se trompent sur Jésus-Christ revient à dire la vérité, non pour blesser, mais pour éclairer. Dans la foi chrétienne, Jésus n’est pas un simple guide spirituel : il incarne la Voie, la Vérité et la Vie. Reconnaître cette identité unique établit la base la plus solide du dialogue, car seule la clarté permet une rencontre authentique : Issa n’est pas Jésus. La vérité sur le Christ, loin d’opposer, ouvre la voie à une réconciliation profonde, respectant à la fois Dieu et l’Homme : « Nul ne vient au Père que par moi » (Jean 14,6).

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