À la fin du IVème siècle avant notre ère, la progression d’Alexandre de Macédoine vers l’Orient perse transforma profondément le littoral levantin. Après ses succès sur le Granique et à Issos, le jeune conquérant engagea une vaste opération destinée à sécuriser les routes côtières et les débouchés stratégiques vers l’Égypte et la Mésopotamie. Durant l’hiver 333-332, plusieurs cités phéniciennes - Arados, Sidon ou encore Byblos - se soumirent rapidement. Tyr, en revanche, opposa une résistance acharnée, obligeant l’armée macédonienne à un siège long et coûteux. L’épisode retarda l’ensemble de la campagne, et ce n’est qu’à l’été 332 qu’Alexandre put reprendre sa marche vers le Sud, tournant son attention vers Gaza, verrou fortifié contrôlant l’accès à la vallée du Nil.
La cité, solidement protégée par d’imposantes murailles élevées sur un promontoire naturel, constituait alors un avant-poste perse essentiel. L’assaut lancé par les Macédoniens donna lieu à une défense farouche. Les machines de siège furent mobilisées pendant plusieurs semaines avant que la ville ne tombât, non sans pertes. La répression se révéla exemplaire : les chefs militaires furent exécutés, une partie de la population réduite en esclavage, et la ville intégrée à l’ensemble territorial en voie d’unification par Alexandre. La prise de Gaza permit au conquérant de poursuivre sa marche vers l’Égypte sans rencontrer d’obstacle. Là, il fonda Alexandrie et donna naissance à un cycle politique qui remodèlerait durablement la région.
Sous les successeurs d’Alexandre, Gaza changea à plusieurs reprises d’allégeance. Au tournant du IIIème siècle, Ptolémée établit fermement son contrôle sur la cité : elle devint un relais essentiel du royaume lagide. Les rivalités avec les Séleucides firent de Gaza un enjeu constant des guerres syriennes, au point que la ville connût plusieurs phases de déclin, de reconstruction et de reconfiguration administrative. Démétrios, Antiochos, puis d’autres souverains hellénistiques s’y affrontèrent, conscients du rôle militaire et économique de ce nœud frontalier entre Méditerranée orientale, Arabie et vallées nilo-orientales.
L’époque romaine confirma cette vocation stratégique. Positionnée sur l’une des grandes routes de commerce entre Égypte, Arabie et Syrie, Gaza bénéficia d’une prospérité notable liée aux échanges de produits aromatiques, de textiles, de céramiques et de denrées précieuses. Les caravanes y transitaient en grand nombre. La ville devint un centre de redistribution apprécié. Mais cette situation privilégiée ne la protégea pas des alternances de domination qui caractérisent l’histoire du Proche-Orient : Byzance, califats omeyyade et abbasside, Croisades, Mamelouks, Ottomans, puis puissances européennes se succédèrent, laissant chaque fois leur empreinte…
Sur le long terme, Gaza apparaît ainsi comme un espace exposé - parfois prospère, parfois ravagé - où s’expriment les tensions récurrentes entre grandes puissances régionales. Sa position, à la fois passage obligé et point d’obstruction, explique l’accumulation des conflits, les phases de déclin et de renaissance, mais aussi l’attention constante des empires successifs. Cette fragilité durable, inscrite dans plus de deux millénaires d’histoire, éclaire en partie la complexité des dynamiques contemporaines qui s’observent aujourd’hui encore sur ce même territoire.
Gaza nous enseigne que le sort des Cités et des Hommes s’écrit dans la durée : les empires passent, mais les lieux stratégiques demeurent, témoins silencieux des passions humaines…

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