Entretien sur la franc-maçonnerie

 Les questions ont été posées par les internautes.


Franck-Abed-Maçonnerie


Est-il possible d’être catholique et franc-maçon ?

Il est impossible d’être à la fois catholique et franc-maçon pour des raisons théologiques, doctrinales et philosophiques. La franc-maçonnerie repose sur une conception symbolique de la vérité, une vision anthropocentrée et un relativisme religieux et philosophique, incompatibles avec la foi catholique qui proclame la Vérité unique en Jésus-Christ. De surcroît, les rites maçonniques, la discrétion de leurs pratiques et une morale détachée de la loi naturelle contredisent la Révélation et excluent toute adhésion à l’Église catholique romaine.

Depuis le XVIIIe siècle, les Souverains Pontifes ont toujours condamné la franc-maçonnerie. Clément XII, dans la bulle In Eminenti Apostolatus Specula (1738), interdit aux fidèles d’y adhérer : «Nous défendons sévèrement et en vertu de la sainte obéissance, à tous et à chacun des fidèles de Jésus-Christ (…) d’entrer dans les dites sociétés de Francs-Maçons ou autrement appelées, ni de les propager, les entretenir, les recevoir chez soi».

Léon XIII, dans l’encyclique Humanum Genus (1884), dénonce la franc-maçonnerie comme une «secte». Il précise : «C’est publiquement, à ciel ouvert, qu’ils entreprennent de ruiner la sainte Église pour substituer à l’ordre surnaturel l’ordre naturel».

Pie IX, dans l’allocution consistoriale Multiplices Inter (1865), souligne que «la secte maçonnique dont Nous parlons n’a été ni vaincue ni terrassée: au contraire, elle s’est tellement développée qu’en ces jours difficiles elle se montre partout avec impunité, et lève le front plus audacieusement que jamais», dénonçant ainsi sa menace pour l’Église et la société chrétienne.

En 1983, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sous la direction du cardinal Ratzinger, rappela l’interdiction pour les catholiques de s’inscrire à une loge maçonnique et précisa que ceux qui y adhèrent se trouvent « en état de péché grave », les empêchant « d’accéder à la sainte communion ». Quiconque, catholique ou non, soutient le contraire s’écarte des canons de la vérité défendus par l’Église et s’expose à une compréhension déformée de la foi catholique.

Voltaire et Rousseau furent-ils franc-maçons ? 

Voltaire, selon certaines sources, fut initié à la franc-maçonnerie sur son lit de mort, à la loge des Neuf Sœurs à Paris, le 7 avril 1778, à 83 ans, quelques semaines avant sa mort survenue le 30 mai.En raison de son grand âge et de sa réputation auprès des partisans des idées nouvelles, Voltaire fut dispensé des épreuves initiatiques ordinaires, notamment de celle du bandeau sur les yeux, symbole de la quête de lumière, de vérité et de clairvoyance.

Gravement malade, il résidait alors à Paris chez le marquis de Villette, lui-même membre de la franc-maçonnerie. Il reçut simplement le tablier maçonnique de Claude-Adrien Helvétius, philosophe et écrivain alors très respecté parmi les francs-maçons. Voltaire n’eut ni le loisir ni la possibilité de prendre part aux travaux réguliers de sa loge, mais les idées qu’il développa tout au long de sa vie influencèrent profondément la pensée politique de son temps, inspirant une contestation de l’ordre établi depuis des siècles.

Jean-Jacques Rousseau, pour sa part, ne fut jamais franc-maçon au sens formel : aucun document ne mentionne son initiation. Sa pensée irrigua largement une partie des élites et du grand public au XVIIIe siècle. Ses idées façonnèrent le climat intellectuel, politique et social qui précéda les mouvements révolutionnaires de 1789 et 1793. Cependant, il demeure impossible de savoir s’il aurait accepté la Révolution telle qu’elle se déroula, avec ses excès, ses crimes et sa violence. La remarque vaut aussi pour Voltaire. 

Contrairement à une idée reçue, tous les grands révolutionnaires n’appartenaient pas à la franc-maçonnerie. Quoi qu’il en soit, les idées de ces deux écrivains participèrent incontestablement à l’émergence des grands mouvements intellectuels et sociaux qui conduisirent à ces terribles événements, dont les conséquences, tragiques et durables, se ressentent encore durement aujourd'hui...

La maçonnerie a-t-elle déclenché la Révolution de 1789 ? 


La franc-maçonnerie n’a évidemment pas déclenché la Révolution dite française comme on actionne un interrupteur. En revanche, il est indéniable que les loges, à l’instar d’autres sociétés de pensée du XVIIIe siècle, contribuèrent significativement à la diffusion et à la maturation des idées qui accouchèrent de 1789. 

Il ne faut pas perdre de vue que les loges constituaient aussi des lieux de sociabilité où nobles et bourgeois, intellectuels et militaires, clercs et laïcs se côtoyaient dans un esprit affiché d’égalité. Ce brassage social facilita la propagation des idées des Lumières et stimula les débats autour du Contrat social, des Droits de l’Homme, de la souveraineté nationale et de la tolérance religieuse. Lors des tenues maçonniques, les participants venaient à remettre en cause la monarchie absolue, tout en critiquant l’Église. À ce titre, les loges fonctionnèrent comme de véritables laboratoires intellectuels et politiques.

Il est indéniable que plusieurs acteurs de premier plan de 1789 - Mirabeau, La Fayette, Sieyès - furent initiés ou proches de ces réseaux. Il convient de rappeler que les loges étaient diverses, parfois contradictoires : certaines, aussi surprenant que cela puisse paraître, demeuraient attachées à la monarchie. De fait, ces maçons firent preuve d’une naïveté presque tragique, semblant ignorer que leurs idées sapaient les fondements mêmes du régime qu’ils croyaient défendre. Pourtant, la majorité des loges se rejoignait sur des principes communs - liberté, égalité, fraternité - formant un socle idéologique qui orientait progressivement l’ensemble du mouvement.

Loin de se limiter à un simple effet des réseaux maçonniques, 1789 trouve son origine dans un ensemble complexe de causes. Crise économique et financière dans le royaume, hausse du prix du pain, blocage des réformes, tensions sociales croissantes, rôle de l’opinion publique, diffusion des pamphlets, guerre d’Amérique, anglophilies de certains penseurs, sans oublier un système politique devenu incapable de se réformer, alors même que le pays était riche : autant de facteurs qui, conjugués, conduisirent à la Révolution.

En somme, la franc-maçonnerie fut un acteur important dans la genèse de la Révolution, mais elle ne fut ni son unique moteur, ni son seul déclencheur.

La révolution fut-elle maçonnique ?


La question de savoir si la Révolution fut « maçonnique » mérite une analyse rigoureuse et factuelle. Pour évaluer cette affirmation, il me paraît essentiel de considérer l’évolution du nombre de loges maçonniques avant, pendant et après 1789, tout en mesurant la portée réelle des idées qu’elles ont diffusées.

Avant la Révolution, la franc-maçonnerie française prospéra. Le Grand Orient de France comptait environ 600 loges actives regroupant entre 30 000 et 40 000 membres, sans oublier les 300 à 400 loges non affiliées ou irrégulières. La Grande Loge de France en réunissait une centaine. Ces loges favorisaient les rencontres entre différents milieux sociaux et étaient le théâtre de débats intellectuels. Ce foisonnement permit la circulation des idées des Lumières…

Mais dès 1792, la situation changea radicalement. La montée des tensions internes et les menaces des puissances étrangères entraînèrent une répression sévère. Pendant la période révolutionnaire (1789-1799), les loges commencèrent à être surveillées dès 1791 et sous la Terreur (1793-1794), suspendues et interdites par les autorités jacobines. Leurs membres subirent persécutions, descentes de police lors de réunions maçonniques ou clandestines, arrestations et condamnations. Pour préserver la pérennité de l’organisation et assurer la sécurité de ses membres, le Grand Orient de France interrompit officiellement ses travaux en 1793.

Seules quelques loges subsistèrent, parfois secrètement ou en adaptant leurs rituels au contexte républicain et révolutionnaire. Lorsqu’une organisation est censée tout contrôler, elle ne se fait pas interdire et réduire à peau de chagrin. Pour ceux qui croient aux théories du complot, les faits sont là : la franc-maçonnerie fut persécutée et presque anéantie pendant la décennie révolutionnaire.

Sous le Directoire (1795-1799), un timide renouveau apparut, mais le nombre de loges officielles resta très faible : en 1800, plus ou moins 80 loges reprirent leurs activités, preuve qu’au cœur de la Révolution, la franc-maçonnerie avait été réduite à presque rien. Après cette période, elle renaquit progressivement, notamment avec des loges militaires, démontrant sa résilience malgré les épreuves. 


Néanmoins, il faut souligner que les idées que la franc-maçonnerie avait diffusées - souveraineté populaire, opération des pouvoirs, droits de l’homme, liberté religieuse, égalitarisme, critique du catholicisme - étaient déjà acceptées à de nombreux échelons de la société et au sein des trois ordres (noblesse, clergé, tiers état), grâce à son action politique et méta-politique.

Même lorsque les loges furent réduites au silence, elles continuèrent de peser sur le débat politique, montrant que la vitalité d’une pensée ne dépend nullement de la survie des institutions qui l’ont portée. En ce sens, la maçonnerie plane sur la Révolution, non comme organisatrice directe, mais comme un vecteur majeur d’un courant intellectuel puissant et durable.

Napoléon était-il franc-maçon ?


La réponse est simple : aucune preuve factuelle ne vient étayer l’hypothèse d’une appartenance maçonnique de Napoléon. Certains historiens évoquent une initiation lors de la première campagne d’Italie, d’autres en Égypte, autour des mystères d’Osiris, et quelques-uns à Berlin en 1806. Chacun avance sa date… Cette histoire d’initiation revient régulièrement, mais aucun document ni témoignage contemporain fiable ne le confirme.

L’argument selon lequel des loges auraient pris son nom ne constitue évidemment pas une preuve. Baptiser une loge « Napoléon » ne signifie pas que l’Empereur en fût membre. Napoléon n’était pas homme à intégrer un système qu’il n’avait pas lui-même conçu. Tout au long de sa carrière à la tête de l’État, on ne retrouve ni déclaration, ni correspondance, ni acte attestant une quelconque appartenance maçonnique. Dans son exil hélènien, l’Empereur déchu ne mentionna jamais une adhésion à la maçonnerie.

On avance également que nombre de ses proches, civils ou militaires, étaient francs-maçons. C’est vrai : Joseph Bonaparte fut Grand Maître du Grand Orient de France, mais avec une assiduité minimale. Plusieurs maréchaux fréquentèrent les loges, souvent de façon anecdotique : quelques présences à des ateliers en une dizaine d’années, rarement plus. Pour beaucoup, il s’agissait d’une convention sociale, presque d’un passage obligé, mais la guerre quasi permanente et le peu d’attrait pour la chose maçonnique limitèrent leur investissement. En revanche, certains civils et hommes politiques de l’Empire jouèrent un rôle très actif au seins de ses structures, mais cela relève d’un autre sujet.

Il faut ajouter que Napoléon se méfiait de la franc-maçonnerie. Napoléon voulait savoir ce que les maçons disaient de lui, du régime et de sa politique. Il la fit surveiller par son ministre de la Police, Joseph Fouché, lui-même initié. De nombreuses loges placèrent son buste dans leurs temples, par admiration ou pour donner des gages au régime impérial. De toutes les façons, les critiques de l’Etat napoléonien n’étaient guère tolérées. Certaines fraternités se contentèrent d’exalter sa gloire, tandis que d’autres, comme la loge Saint-Napoléon d’Angers, utilisaient leur façade pour masquer des activités royalistes… La grande majorité des loges faisait de la maçonnerie. 

L’Empereur encouragea les loges militaires, non par passion idéologique, mais pour cimenter son armée, en France comme à l’étranger. Depuis ses débuts, elle était le socle de son pouvoir; en assurer l’unité était une exigence politique et sociale, non une simple fantaisie. Concrètement, si Napoléon avait réellement été initié, nous disposerions de preuves irréfutables - signatures, correspondances, traces d’engagement - que franc-maçons, détracteurs ou complotistes auraient déjà mises en avant. Or, rien de tel n’existe.

Enfin, d’une manière plus générale, il est vain de critiquer Napoléon en s’appuyant sur des éléments dépourvus de toute consistance historique. On peut, bien évidemment, se déclarer contre lui, se dire anti-napoléonien : c’est une position recevable, à condition de produire des arguments solides. Mais nul besoin d’agiter la « carte maçonnique » pour attaquer l’Empereur. Sa conception du pouvoir, sa politique extérieure, ses guerres ou encore son héritage institutionnel offrent déjà largement de quoi nourrir un débat critique, à la fois sérieux, constructif et intelligent.

Avez-vous déjà été approché par la franc-maçonnerie ?


Non, ils ne m’ont jamais approché pour intégrer la franc-maçonnerie. Je suis catholique et issu d’un milieu modeste : je n’étais donc pas une cible prioritaire pour ces réseaux. Mais au-delà de ces considérations sociales et religieuses, je n’ai jamais ressenti le moindre attrait pour ce type d’adhésion. Aujourd’hui comme hier, mes convictions philosophiques et intellectuelles me tiennent naturellement éloigné de la franc-maçonnerie.


En définitive, s'ils m’avaient proposé d’entrer dans une loge, ma réponse aurait été négative, par fidélité à mes convictions personnelles et spirituelles. Effectivement, il est impossible d’être catholique et franc-maçon. Mon parcours et ma réflexion me conduisent à privilégier d’autres formes d’engagement et de sociabilité plus conformes à mes principes.


Quels ouvrages conseillez-vous pour analyser et comprendre la franc-maçonnerie ?


Pour analyser et comprendre la franc-maçonnerie, il convient de se référer en priorité aux textes pontificaux. Ces documents exposent la doctrine de l’Église et offrent les analyses les plus solides pour qui prend le temps de les étudier avec attention. Certaines publications regroupent plusieurs encycliques, constituant un véritable trésor intellectuel, indispensable à tout catholique désireux de réfléchir sérieusement sur ces questions.

En effet, ces textes permettent de saisir non seulement la position morale et doctrinale de l’Église, mais aussi le contexte historique dans lequel Elle a formulé ses jugements. Ils montrent comment la franc-maçonnerie a été perçue au fil des siècles, et pour quelles raisons l’Église a toujours mis en garde contre certaines pratiques ou influences. 

Sur ce sujet sensible, il me semble primordial de privilégier des sources fiables et rigoureuses, plutôt que de se laisser guider par des récits extravagants, sensationnalistes ou anti-historiques. Ces derniers brouillent la compréhension et ôtent toute crédibilité à ceux qui les utilisent.

Enfin, compléter la lecture des enseignements papaux par des ouvrages historiques sérieux, rédigés par des auteurs reconnus pour leur rigueur, permet d’approfondir la connaissance de l’histoire des loges, de leurs pratiques et de leur rayonnement. Cela donne une vision équilibrée, à la fois critique et documentée, indispensable pour qui souhaite traiter la question avec sérieux et rigueur intellectuelle… 


Franck-Abed-Maçonnerie

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Propos recueillis le 14 octobre 2025

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