Pourquoi ai-je décidé de lire Jules Barbey d’Aurevilly ?

FRANCK-ABED


Parce qu’il est un auteur à la fois singulier, provocateur, et profondément catholique, dont l’œuvre, radicalement située hors du consensus idéologique de son temps, me semble aujourd’hui encore fascinante, dérangeante et éclairante. Elle interroge les rapports entre foi et modernité, littérature et idéologie, dans un siècle en pleine mutation.

J’ai choisi de commencer par ses principaux romans : Une vieille maîtresse (1851), L’Ensorcelée (1852), Le Chevalier des Touches (1863), Un prêtre marié (1865), Une histoire sans nom (1882) et Ce qui ne meurt pas (1884). Ces récits déploient un imaginaire littéraire à la fois puissamment enraciné dans la tradition et farouchement hostile aux idéaux modernes de son époque. Ils offrent une profondeur psychologique et symbolique singulière, où le surnaturel et le tragique s’entrelacent avec des conflits moraux d’une rare intensité.


Barbey, un temps attiré par les idées républicaines et libérales, opère dans les années 1840 un retournement intellectuel majeur. Sous l’influence de Joseph de Maistre, penseur emblématique de la contre-révolution, il embrasse une vision du monde fondée sur l’ordre monarchique et la primauté du spirituel sur le temporel. Maistre, violemment hostile à la philosophie des Lumières, rejette les principes d’égalitarisme, de souveraineté populaire et de rationalisme, au nom d’un ultramontanisme intransigeant et de la monarchie absolue.


Barbey, dans son œuvre littéraire, défend un absolutisme moral et esthétique, rejetant les valeurs bourgeoises montantes - le rationalisme, l’utilitarisme, le libéralisme parlementaire - pour leur opposer la foi, le mystère, la hiérarchie et la transcendance. Pour lui, la littérature devient un espace de combat, un lieu de résistance face à la sécularisation du monde, à l’effacement du sacré et à l’émancipation des consciences.


C’est précisément là que réside tout l’intérêt de sa démarche. Son œuvre, traversée par une spiritualité violente et mystique, ne cesse d’interroger la place du mal, du péché, de la culpabilité et du sacré dans l’existence humaine. Elle pense le conflit entre la foi et la liberté, entre la modernité et la tradition, entre le corps et l’esprit.


Dans un monde contemporain souvent désenchanté, relativiste ou polarisé, lire Barbey d’Aurevilly, permet de se confronter une pensée radicale, étrangère à notre époque mais toujours capable de nous troubler, de nous déranger et, peut-être, de nous éclairer…


À titre personnel, je me définis comme catholique romain et monarchiste. Mon adhésion est entière à un ultramontanisme intransigeant. Je défends sans réserve l’idéal d’une théocratie pontificale et la souveraineté temporelle du Pape, garantie nécessaire de son indépendance face aux puissances profanes...

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