J’ai vu Vaincre ou Mourir

FRANCK ABED



Dans une époque malheureusement terne où le laid se voit promu comme une norme sociale voire éducative, apprécier un film bien réalisé avec des images et des musiques superbes constitue une véritable bouffée d’oxygène. Je sais que certains trouveront toujours à redire mais je préfère me concentrer sur le positif afin de laisser les critiques vaines et non constructives de côté. Je l’écris sans détour : jai vraiment apprécié ce très beau moment de cinéma.


Il demeure vital de rappeler une difficulté majeure : celle de raconter trois ans de guerres civiles en 100 minutes. Dois-je vraiment préciser que la geste héroïque de Charette mériterait une trilogie ou chaque épisode serait long d’au moins deux heures ? Je ne le pense pas. C’est un premier film pour le Puy du Fou, ne l’oublions pas. Et même si certains séquences auraient mérité plus de moyens financiers - bataille de Torfou, échec devant Nantes, bataille de Cholet, passage de la Loire, Virée de Galerne, exécution de Charette place Viarme - l’ensemble nous bouleverse, nous transporte, nous émeut et nous replonge dans une période où le courage et la terreur se conjuguaient au quotidien.


Il est certain que les esprits trop exigeants ou trop chafouins voire médiocres critiqueront les drapeaux, les uniformes, les tenues, les armements. Ils ne manqueront pas non plus de blâmer les - petits ? - décors du logis de la Chabotterie et du Grand Parc du Puy du Fou. Peu m’importe ! Ce film est véritablement une réussite parce qu'il touche les âmes, les cœurs et les intelligences. Je sais qu’il s’agit d’ores et déjà du premier opus d’une longue série… 


Vaincre ou Mourir, dès les premières minutes, nous plonge incontestablement dans l’ambiance, si tant est que le terme soit adéquat. J’ai retenu, parmi tant d’autres, deux phrases puissantes prononcées par Charette : « Je n’irai pas en enfer, car j’en viens », « J’ai trente ans et plus d’avenir ». Mes contemporains, pour la plupart, ne saisissent pas la pleine mesure des bouleversements sociaux, politiques, économiques, religieux et humains introduits par la Révolution et ses nombreuses dérives. 


Poussés dans leurs derniers retranchements, les Vendéens qui luttèrent pour « leurs fils, leur foi, leur roi » iront en chantant et en combattant au sacrifice ultime. Pour la République ils n’étaient que « des vulgaires brigands ». Effectivement des milliers d’entre eux rencontreront la mort au combat. Les moyens - militaires, financiers, humains - déployés par le gouvernement illégitime d’alors montrent la crainte qu’ils inspiraient… 


Une analogie peut, je pense, s’établir avec ce film au budget limité nonobstant le soutien de StudioCanal. Il a subi bien avant son lancement et depuis sa sortie officielle des tirs de barrage venus du camp anti-français et anti-tradition. Pourquoi tant de haine - vous n’aurez pas ma haine - contre un petit film mettant en avant des paysans en sabots se battant contre une armée gouvernementale ? Que redoutent-ils ? Que les spectateurs découvrent des vérités enfouies dans les oubliettes ? 


Cette levée de boucliers politique et médiatique montre et démontre une nouvelle fois, quen République, le passé français ne doit être vu, lu, étudié, écouté que sous le seul angle imposé par le narratif de la prétendue Education, dite nationale. Les réactions partisanes souvent de mauvaise foi de certains grands médias, dofficines et de militants de gauche ou dextrême gauche valident en définitive le scénario retenu par les producteurs. 


Le Figaro qui est, pour certains esprits naïfs ou très mal formés sur le plan philosophique, intellectuel et politique un journal de droite, s’est joint à la cohorte des prétendus bien-pensants. Chaque semaine, une rubrique propose un classement des films selon plusieurs catégories : A voir absolument, A voir, On peut voir, A éviter. Vaincre ou Mourir figurait dans la dernière catégorie. Je ne résiste pas au plaisir de citer quelques extraits de cette sublime chronique : « On part la fleur au fusil. Très vite, on déchante. Si l'épopée de Charette (incarné par un Hugo Becker qui fait ce qu'il peut) mérite d'être retracée, ce n'est pas ainsi. Saupoudrée d'une caution historique apportée en début de film, l'intrigue se déploie rapidement comme une suite de batailles entrecoupées de harangues… C'est violent, sanglant, bruyant, agressif. » Que dire de plus ? Rien ! Jugez par vous-mêmes en allant voir le film.


Si le Figaro avait été le seul à se fourvoyer dans les grandes largeurs… Mais non ! Ils se sont presque tous donnés la main, le mot ou autre chose pour donner le coup de pied de l’âne dans le but de scier la Charette. Libération, Télérama, l’Obs, Le Parisien, Le Monde, ont publié différents articles dans lesquels leur fiel coutumier est ressorti. Cette attitude destructrice et coercitive me rappelle inévitablement un des slogans phares et terribles du très bon livre de George Orwell 1984 : « Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé ».


Ce n’est donc nullement un hasard si deux députés classés très à gauche - dont l’un ne fait pas mystères de ses accointances jacobines - parlent de « fiction antirépublicaine » et d’une « falsification de l’histoire ». Ainsi, même dans le Septième Art, il existe un décalage entre le pays légal et le pays réel. Sur le site AlloCiné au moment où j’écris ces lignes, la Presse donne 1,3 étoiles sur 5, quand les spectateurs en mettent 4,2. Ils peuvent bien entreprendre tout ce qu’ils veulent, la vérité finit toujours par éclater. 


L’adage populaire et historique rappelle que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Cela se vérifie pour les Guerres de l’Ouest. Les Républicains ont réussi à imposer pendant des décennies leurs avis - déformés par leur idéologie - sur ces événements simultanément complexes et brutaux. Toutefois, il ne faudrait pas que ceux qui désirent dépoussiérer la lecture et les analyses de ce moment dramatique de l’Histoire de France proposent une vision symétriquement opposée. 


En effet, ce serait une cruelle erreur politique qui reposerait sur un mensonge historique de diffuser l’idée selon laquelle « tout était bien dans le meilleur des mondes » dans l’Ouest avant les Guerres commencées en 1793. Heureusement, le film ne tombe pas dans ce grossier piège. Il présente une juste perspective historique - quoique non développée en raison de la durée du film - à la fois méconnue et très critiquée. Il pourrait même servir de point d’appui pour réouvrir un débat historique trop vite enterré selon moi. Mais apparemment c’est impossible. Certains nous proposent deux visions exclusives mais contradictoires de notre passé : la table rase ou le regard tricolore.


Les républicains et les néo-jacobins devraient savoir affronter leur Histoire droit dans les yeux, même si certaines parties se révèlent sombres et dégoulinantes du sang des Français. Les Guerres de l’Ouest en particulier et la Révolution en général ont provoqué la mort de beaucoup de Français : guillotines, fusillades, pendaisons, mariages civiques ou autres baptêmes républicains, villages rasés pillés incendiés. Il s’agit de faits historiques que nul ne peut contester. Mais voilà, pour certains la République apparaît immaculée alors que la réalité historique enseigne tout le contraire.


Comme le Puy du Fou est aux manettes de cette pertinente production, celle-ci doit forcément être considérée comme un outil de propagande grossier et mensonger. Mais si le film a quelques défauts, il a le mérite d’exister et de rappeler sans lourdeur esthétique des réalités oubliées et passées sous silence. Ainsi, le sort réservé à Louis XVII par les républicains m’arrachera toujours une vive réprobation et bien plus. Comment ont-ils pu condamner un enfant de 7 ans à l’enfermement au seul prétexte qu’il fut prince et fils de Louis XVI ? Au Temple, cet enfant de France subit un véritable calvaire. Il fut coupé des siens et vécut dans des conditions exécrables. La République devrait demander pardon pour ce terrible crime, Elle qui s’empresse, par la voix de ses représentants de constamment présenter des excuses - bien souvent infondées - à la terre entière et de battre sa coulpe pour rappeler que nos ancêtres étaient pour beaucoup des moins que rien, des colonisateurs, des collaborateurs, des racistes et que sais-je encore…


Concrètement et sans dévoiler l’intrigue que beaucoup doivent connaître, Vaincre ou Mourir raconte avec talent le combat de Charette, de ses paysans et de ses Amazones. Il rappelle également que ces combats fratricides et les diverses exactions, notamment celles des Colonnes Infernales, provoquèrent la mort de 200 000 personnes. Le terme de génocide n’est pas employé mais exterminés et exterminations sont, de mémoire, prononcés quatre fois. Je ne défends pas la thèse du génocide pour diverses raisons. Je précise simplement que ce mot est un néologisme inventé en 1943 par le juriste Raphael Lemkin, juif polonais qui sera par la suite naturalisé américain… Les scénaristes et les producteurs ont eu raison selon moi de ne pas axer le film sur cet aspect mais de le centrer sur la belle et noble figure de Charette.


Napoléon, cité par Emmanuel de Las Case, dans Le Mémorial de Sainte-Hélène, disait de Charette ce qui suit : « J'ai lu une histoire de la Vendée, si les détails, les portraits sont exacts Charette est le seul grand caractère, le véritable héros de cet épisode marquant de notre révolution, lequel, s'il présente de grands malheurs, n'immole pas du moins notre gloire (…). Oui, Charette me laisse l'impression d'un grand caractère, je lui vois faire des choses d'une énergie, d'une audace peu communes, il laisse percer du génie ». Quand un film subventionné par l’argent des Français salit - pour ne pas dire plus - nos grandes figures nationales, les mêmes qui sortent l’artillerie lourde pour démonter Vivre ou Mourir hurlent de plaisir et tapent des mains pour encenser des films médiocres qui ont le seul mérite à leurs yeux d’être anti-France. 


Enfin, cet œuvre cinématographique rappelle avec une véritable justesse la lâcheté et la couardise de la noblesse émigrée qui fut incapable, dans l’ensemble, de jouer son rôle de défenseur du Trône, de l’Autel et des petites gens. Ainsi, Artois - le frère du feu roi guillotiné - ne descendit même pas du bateau pour prendre la tête du soulèvement populaire. Mais il prit quand même le temps d’offrir à Charette un sabre sur lequel figurait l’inscription : « Je ne cède jamais ». Charette, lui, ne céda pas ! Jamais il ne vit le retour des Bourbons sur le trône de leurs ancêtres. Il mourut assassiné le 29 mars 1796, place Viarme à Nantes…


De nos jours, une modeste croix rappelle le lieu de l’exécution. Charette et les siens subirent une défaite militaire qui mit fin aux espoirs de Restauration. Ce fait historique ne souffre d’aucun doute. Mais ils remportèrent d’autres combats essentiels : ils demeurent depuis longtemps au paradis auprès du Père éternel et ils vivent encore dans l’esprit de milliers de Français. Ils gagnent la bataille de la mémoire et des cœurs, c’est me semble-t-il, le plus important. Allez voir ce film, retournez-y en famille avec des amis, des collègues, car « tant qu'une roue restera, la Charette roulera »…




Franck ABED





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