Napoléon fut-il le fossoyeur de la royauté ?

Suite à la publication de mon entretien intitulé Vol de l’Aigle, Cent-Jours et Waterloo, de nombreux lecteurs ont réagi très positivement. Des interrogations et même des critiques constructives furent exprimées. Toutefois, un propos m’a véritablement étonné parce que très éloigné de la réalité historique à laquelle je tiens comme à la prunelle de mes yeux : « Napoléon fut le fossoyeur de la royauté ». Je rédige cet article pour répondre à cette fausse assertion que j’entends très régulièrement. 

Tout le monde ne peut pas être bonapartiste ou napoléonien. Il est possible de critiquer Napoléon sur les actes qu’il a commis et pour les paroles prononcées. En revanche, je n’admets pas que certains anti-napoléoniens prononcent des contre-vérités historiques pour promouvoir leurs idéologiques politiques.


Pour démontrer la pertinence de mon analyse, il me semble vital avant tout chose d’effectuer des rappels historiques de première importance. En histoire, il demeure vital de ne jamais oublier le contexte tout en ne cédant pas au péché de l’anachronisme qui gâte véritablement la pensée intellectuelle.


Pour commencer, Napoléon n’a pas participé à la Révolution comme député, représentant du peuple ou agitateur politique. En 1788 et 1789 alors qu’il n’avait que 20 ans, il se trouvait en garnison à l’École royale d’artillerie à Auxonne. Celle-ci était dirigée par le maréchal de camp Jean-Pierre du Teil. Ce dernier lui avait par ailleurs confié la répression d’une émeute de la faim qui éclata dans la ville le 19 juillet 1789. A cette occasion, Napoléon ne rejoignit pas les séditieux, ce qu’il ne fit jamais par la suite, et leur imposa son autorité.  


Lors du 10 août 1792, il se promenait tranquillement dans Paris au Jardin des Tuileries en compagnie d’un camarade. La violence et la barbarie révolutionnaires le marquèrent pour toujours. Plus tard, il déclara : « C’est le premier champ de bataille que j’ai vu. Pas un des lieux de carnage où je suis passé me fit plus forte impression ». De même, en 1793 il s’impliquait activement en Corse. Par conséquent, il n’assista pas au procès du roi, ni à son assassinat. Napoléon ne fut donc pas régicide. 




Au plus fort de la Révolution, il n’était donc que lieutenant puis capitaine. Sa carrière militaire se montrait pour l’heure somme toute modeste. Mis à part quelques déclarations dans un cercle restreint et l’écriture de textes qui ne rencontrèrent aucun écho national dans la vie intellectuelle et politique d’alors, il ne se prononça pas pour la Révolution de manière inconditionnelle. 


Dès le déclenchement des événements révolutionnaires, il fut révolté par les excès de la plèbe et l’anarchie de la canaille pour reprendre ses expressions. A cette époque, j’insiste sur ce point précis, sa priorité politique demeurait la Corse. Le tourbillon révolutionnaire dans l’île changea quelque peu la donne. Effectivement, après ses déconvenues avec Paoli, son ancienne idole de jeunesse, il embrassa sans aucune réserve le continent et le camp français.


Ensuite, je rappelle que le roi Louis XVI mourut guillotiné le 21 janvier 1793. Napoléon prit le pouvoir avec le coup d’État des 18 et 19 Brumaire, soit le 9 et 10 novembre 1799. Sept ans s’étaient presque écoulés entre ces deux événements. C’est long ! Si Louis XVI et par extension ses frères perdirent la partie de 1789 à 1793, Napoléon ne peut être tenu responsable des hésitations, des erreurs et des manquements de cette trinité fraternelle. C’est véritablement triste pour la France que Louis XVI n’ait pas été capable de garder son pouvoir et d’imposer sa volonté royale aux rebelles mais Napoléon n’a nullement participé à la chute de la royauté comme le démontre son parcours militaire et politique. 




La royauté est tombée, en grande partie, à cause des royalistes qui ne se montrèrent nullement à la hauteur des dangers et des idéologues propageant des idées faussement nouvelles. Selon Stendhal, Napoléon aurait déclaré : « J'ai trouvé une couronne dans le ruisseau, j'ai essuyé la boue qui la couvrait, je l'ai mise sur ma tête ». Napoléon a agit et sa réussite reste son mérite pendant que d’autres se languissaient tranquillement hors de France. 


Cette attitude me fait curieusement penser à certains qui aujourd’hui déclament : « Si les Français m'appellent je ne me déroberai pas. Je me sens prêt. » Un chef doit être le guide en se plaçant devant ses troupes, en donnant l’impulsion et les directives à suivre.  Concrètement, il montre l’exemple. Il ne peut pas se contenter d’être inerte ou apathique en attendant que les choses se passent favorablement pour lui.


En novembre 1799, lors de la conquête de l’État par Napoléon, Louis XVIII et Charles d’Artois se trouvaient bien loin de la France et de Paris. Ils n’incarnaient aucunement une solution politique probable et viable quoiqu’en pensent les royalistes des années 2000. Leur attentisme ou leurs molles actions les plaçaient, de facto, hors du jeu politique. De 1793 à 1799, soit de la décollation de Louis XVI au coup d’État bonapartiste, ces Princes de la Maison de France sont-ils montés à cheval pour reprendre le pouvoir ? Non. Ont-ils sorti l’épée du fourreau pour combattre aux côtés des fidèles Chouans et Vendéens ? Non. 




Objectivement, ils n’ont pas entrepris grand-chose pour laver l’honneur de leur frère assassiné ou pour remonter sur le trône. Pour quelles mystérieuses raisons Napoléon devrait-il être accusé de l’inaction et de l’échec de Louis XVIII et son petit frère à reconquérir le pouvoir ? Il ne serait pas juste de penser ainsi et d’accorder la moindre crédibilité à ce genre de pseudos analyses.


Enfin, il convient de regarder précisément l’action de Napoléon à la tête de la France. Il a instauré une monarchie et une noblesse héréditaires. De plus, Napoléon n’était nullement, dans l’exercice de son gouvernement, républicain ou démocrate. Les Constitutions de l’Empire indiquaient clairement qu’à la mort de Napoléon, son fils ou de l’un ses héritiers mâles monteraient sur le trône. Il s’agit réellement de la primogéniture masculine telle que pratiquée sous les glorieux capétiens. Nous sommes vraiment très loin du suffrage universel…




Napoléon signa rapidement la paix avec l’Ouest catholique et royaliste. Le Pape Pie VII monta à Paris pour oindre Napoléon avec l’huile sainte.  Alors oui, il n’était pas membre de l’ancienne famille régnante mais l’État napoléonien fut profondément et authentiquement monarchiste. 


Napoléon a restauré l’autorité tout en gagnant la paix à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Je ne peux passer sous silence les 200 réformes mises en place par Napoléon qui donnèrent naissance à un État efficace et digne de ce nom après les insoutenables années révolutionnaires. Beaucoup d'entre elles sont parvenues jusqu’à nous. Napoléon a certainement commis des erreurs mais il ne donna pas le coup de pied de l’âne à Louis XVI.


Si vous désirez découvrir l’Empereur des Français tel qu’il fut, loin des mensonges historiques et des raccourcis politiques, lisez mon futur ouvrage intitulé Napoléon, le héros éternel. Vous découvrirez un homme qui ne fossoya la royauté bourbonienne mais qui au contraire imposa son génie politique et militaire à l’Europe entière et même au-delà…



Franck ABED

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