J’ai conféré le 10 juin 2020 à l’invitation de la Droite Souverainiste sur le thème suivant : « » Suite à cette conférence, plusieurs personnes ont voulu creuser certains sujets que j’avais évoqués. J’ai volontiers répondu à leurs questions.
Vous parlez de la réalité, et du déni de réalité de certains ; je ferai donc la remarque suivante : cette droite légitimiste à laquelle vous semblez attaché n’existe quasiment plus, ce depuis un siècle. De plus, elle ne séduit plus, ne rassemble plus, et, vous l’avez constaté par vous-même, elle est dans un état déplorable. Qu’en pensez-vous ?
Votre question soulève deux points très distincts mais complémentaires. De fait, pour être pertinent dans l’analyse, ne mélangeons pas la doctrine et l’expression politique de celle-ci.
D’un point de vue doctrinal, il me paraît évident que la pensée royaliste reste la plus à même pour répondre aux impérieux défis de notre temps, ainsi qu’aux différents maux créés par la République depuis plusieurs décennies. La légitimité, le temps long, l’unité derrière le roi, l’expérience des siècles représentent – entre autres – les vrais atouts de la doctrine royale. Un véritable paradoxe accompagne cette dernière. En effet, alors qu’il s’agit, dans notre pays, de la doctrine la plus ancienne et la plus légitime – de par les réussites des siècles passés -, je remarque qu’elle est aussi la plus méconnue, tout en étant très critiquée. Rares sont ceux qui à l’école n’ont pas entendu leurs professeurs pérorer au sujet du « », sombre époque durant laquelle « ».
Si aujourd’hui nous en sommes là c’est parce que notre Histoire – vieille de 1524 ans avec plus ou moins 1300 ans de royauté – a subi de violentes attaques, très souvent dénuées de fondements historiques et d’objectivité intellectuelle. Il suffit par exemple de voir des films évoquant les Temps Féodaux pour se rendre compte du niveau ahurissant de désinformation qui se propage. Heureusement qu’il existe depuis plusieurs années des reportages historiques réalisés par le service public qui traitent notre Histoire avec moins d’idéologie et de détestation de notre passé, sans pour autant tomber dans l’hagiographie.
Dans le souci d’objectivité constant qui est le mien, j’écris sans réserve et sans dénaturer ma pensée que si le royalisme se retrouve dans cette situation – dispersion et atomisation – ce n’est pas seulement en raison de nos nombreux adversaires. Penser cela reviendrait à balayer d’un revers de la main les vrais problèmes. Les Princes en particulier, et les royalistes en général portent une réelle responsabilité dans la chute vertigineuse du royalisme politique constatée depuis des lustres. Cependant, je remarque que de plus en plus de jeunes rejoignent le combat royaliste tandis que les moins jeunes se détournent des partis républicains ou démocrates pour rejoindre la . C’est un phénomène encore récent et balbutiant, mais aux royalistes de transformer cette étincelle en feu sacré.
Ceci étant dit, nous voyons que ce serait une erreur majeure de considérer que la doctrine royaliste est fausse ou inutile, parce qu’elle ne pèse plus rien politiquement. Au contraire, le royalisme incarne réellement la seule voie de salut pour la France. Il faut donc l’étudier pour l’aimer, le comprendre, afin d’être capable de le présenter correctement aux Français. C’est le sens de mon combat philosophique, intellectuel et politique. En outre, je rappelle que la vérité n’a que faire de la loi du plus grand nombre.
Faut-il inscrire son combat dans la société réelle qui, que cela nous plaise ou non, est démocratique, républicaine et laïque ? Pour ce qui me concerne, n’étant ni démocrate, ni républicain, ni laïque, j’espère qu’une éventuelle prise de pouvoir nous permettra, une fois en haut, de mettre en œuvre les changements que vous appelez de vos vœux. Pourquoi ? Parce qu’on a déjà essayé de faire ce que vous proposez de faire. Cela ne marche pas, les gens ne suivent pas, et c’est trop long, de toutes façons. Quel est votre avis ?
Avant toute considération, je précise qu’une personne désirant mener un combat politique doit impérativement l’inscrire dans la durée et dans la réalité. Trop de militants oublient ou négligent le réel. Ils agissent dans l’instant, c’est-à-dire au jour le jour, en ne prenant pas compte les conséquences des actes posés à long terme. Agir de la sorte reste le meilleur moyen de glaner des échecs.
Vous évoquez une « » ; il faudrait préciser par quels moyens vous comptez atteindre cet ambitieux objectif. Par les élections ? Les résultats électoraux depuis des décennies indiquent clairement et sans le moindre doute que cette solution se révèle impossible à court ou moyen terme. Par un coup d’Etat ? En 1910, Maurras écrivait . Nous sommes en 2020. La réalité prouve l’inanité de cette solution que je qualifie surtout d’utopique. De plus, pour réaliser un coup d’Etat, il faut de l’argent, des troupes armées, fiables, organisées, animées par des cadres de grande valeur, parfois même un soutien étranger, tout ce qui manque à celles et ceux qui fantasment d’une prise de pouvoir par la force.
Le temps presse : tous les esprits lucides le disent. Toutefois, ne confondez pas vitesse et précipitation. Bâtir une alternative politique prend du temps. Actuellement, je constate que le vent ne souffle pas dans nos voiles. Ainsi, je ne comprends pas à quoi vous faites allusion, quand vous écrivez : « ». Non, c’est faux ! Le royalisme politique est hors-jeu depuis plusieurs décennies, on n’a donc pas pu mettre en place ce que je préconise. Certains diront même que le royalisme est mort après le décès du regretté comte de Chambord. Effectivement, la très grande majorité des Français ignore que le royalisme politique renaît, loin des passions, de la nostalgie et du romantisme. Aujourd’hui, mais encore plus hier, sur le plan politique et en l’état actuel des choses le royalisme ne peut prétendre à rien. Dire le contraire reviendrait à nier la réalité et donc à mentir.
Dans la suite de votre raisonnement, je lis : « ». Adoptons une démarche logique : comment pourraient-ils suivre une mouvance politique absente du forum politique depuis plusieurs décennies ? Pour être plus juste politiquement parlant, vous auriez dû écrire «». En définitive, l’enjeu politique se conjugue avec le combat pour la mémoire et respect des traditions. Plus les Français connaîtront l’histoire de France, plus ils l’aimeront. Subséquemment, ils comprendront nécessairement les bienfaits de la royauté et l’urgence de la rétablir.
Nous ne pouvons pas aller plus vite que la musique, et nous ne devons pas faire fi du réel. L’Apôtre Paul a écrit : « ». Aux royalistes et à tous les amoureux de la France d’agir en ayant constamment à l’esprit la défense du Bien Commun. Chacun doit œuvrer, là où il se trouve, là où il peut, en fonction de ses charismes et de ses compétences. Par le passé, trop de responsables politiques ont vendu du rêve, proposé et formulé des projets politiques irréalisables qui ne provoquèrent que dégâts, désarrois, dégoûts et surtout de nombreuses désillusions.
Nous portons une énorme responsabilité envers nos Ancêtres et nos Héritiers. Nous ne pouvons absolument pas nous permettre de perdre du temps dans des combats stériles, utopiques et finalement très éloignés de la France authentique.
Pour rester dans le réel, et vous l’avez, je crois, souligné dans l’un de vos articles et dans vos brillantes conférences : la Constitution de la Ve République tient pour illégale toute promotion d’un changement de régime. Si le pouvoir voulait appliquer ceci dans les faits, il pourrait interdire tout mouvement se réclamant du royalisme ou prônant la restauration monarchique en France ; même remarque pour les partis se réclamant de l’autonomisme. L’Etat français a encore des armes à fourbir pour étouffer toute dissidence authentique dans l’œuf. Et je ne parle pas des moyens immoraux et/ou illégaux…
Je pense qu’il convient pour les adeptes de ces méthodes, d’admettre que l’électoralisme et l’activisme militant produisent peu de bons fruits. Cette analyse – vérifiée et vérifiable par tous – ne conduit pourtant pas les gens du à se remettre en question. Cette cécité est véritablement effrayante, comme si les leçons du passé ne servaient à rien. Cela me fait penser inévitablement à une maxime que j’ai entendue il y a bien longtemps : « ».
Il me paraît évident que l’Etat républicain dispose de moyens importants pour se défendre, dont certains dépassent probablement notre imagination. Cependant, pour rester dans le réel, cet Etat ne se voit nullement menacé par des forces politiques, qu’elles soient nationales, religieuses ou autonomistes. Il serait illusoire de considérer que des groupuscules politiques officiels ou officieux soient en mesure de prendre le pouvoir légalement ou illégalement. Par conséquent, ces considérations restent hypothétiques et elles nous éloignent de la vraie politique. Ainsi, avant même de penser au coup de force, à la prise de pouvoir ou à la victoire au soir du second tour de l’élection présidentielle, il demeure vital de construire une alternative politique digne de ce nom, car aujourd’hui malheureusement le Pouvoir ne rencontre pas de véritables oppositions.
ML : Sur le souverainisme « républicain », nous pourrions penser que le souverain serait le président dans le cadre démocratique. Il est évident que le peuple n’est souverain de rien, dans les faits. Mais le RIC permettrait de légitimer des mesures, des réformes fortes et radicales, notamment sur l’immigration. Il rendrait un tant soit peu de souveraineté au peuple et la décision finale reviendrait au président, par exemple. Il y a plusieurs options possibles. La vôtre ?
Par principe philosophique, et en regardant l’Histoire avec les yeux de la raison, je ne peux guère approuver le suffrage – faussement – universel pas plus que le RIC (référendum d’initiative citoyenne) ou le RIP (référendum d’initiative populaire). Je me méfie très souvent des idées nouvelles ou des idées modernes. L’élection représente un réel intérêt au niveau local, selon le principe de subsidiarité auquel je tiens. Dans les corporations de métiers, le vote incarne réellement une belle et noble idée. Cependant, le vote à l’échelon national entraîne forcément la démagogie, la corruption, le mensonge, les manipulations, comme l’avaient déjà théorisé les philosophes grecs.
Ces remarques sur la République, la démocratie, le RIC ou le RIP conduisent inévitablement à trois questions : Pourquoi défendre un système qui de manière intrinsèque encourage les concupiscences humaines ? Pour quelles raisons en appeler à un mode de gouvernement utopique ? Pourquoi maintenir en France ce système démocratique et républicain qui a montré plus que ses limites ? Ne nous égarons pas : rêveries et politique ne font pas que trop rarement bon ménage. Il est vraiment temps que certains apprennent du passé. Ils reconnaîtront enfin que le passif des cinq Républiques l’emporte très largement sur l’actif.
Concrètement, n’estque la solution du bon sens qui saute aux yeux quand on étudie l’Histoire, loin du sentimentalisme et de l’idéologie. Je désire l’instauration de la royauté qui appliquera les principes ayant consacré la France comme une grande puissance. L’heure est venue de remettre le roi au Louvre ou à Versailles et les églises au centre de nos villages. Je préfère appliquer ce qui a fonctionné depuis des siècles en gommant les quelques aspects négatifs que de toujours chercher des idées nouvelles ou à l’étranger…
Aujourd’hui le fait que le royalisme soit minoritaire – et cela même dans les milieux dits de droite – explique parfaitement l’étendue du désastre intellectuel qui frappe le peuple de France. Cette situation démontre de manière indéniable que nos adversaires ont travaillé avec succès… et que loin de les combattre, beaucoup de militants politiques en réalité les confortent en promouvant le nationalisme, le souverainisme sans roi, le libéralisme, idéologies très éloignées du traditionalisme politique français qui repose sur le catholicisme et le royalisme.
Propos recueillis en novembre 2020
Commentaires
Enregistrer un commentaire