Un catholique peut-il voter Zemmour ?

 Considérations préliminaires 

Je tiens à énoncer clairement que, pour défendre mon propos, je ne parlerai pas dans cet article du décret d’Isaac Jacob Adolphe Crémieux promu en octobre 1870, et qui attribuait la citoyenneté française aux « indigènes israélites d’Algérie ». Je ne mettrai pas en avant que sa famille, juive maghrébine voire juive arabe si on donne du crédit aux propos de Benjamin Stora, est arrivée en France métropolitaine seulement dans les années 1950. Je suis intimement convaincu que le suffrage dit universel est une ineptie. Toutefois je n’aborderai pas ce point doctrinal dans le développement qui suit. Je m’en tiendrai scrupuleusement à la question catholique et à celle du vote. En l’espèce, je considère qu’un catholique ne peut pas voter Zemmour. 

L’expression vote catholique pose problème pour au moins deux raisons. Les gens qui se disent catholiques en France sont-ils vraiment catholiques ? Ne devrions-nous pas plutôt parler de culture chrétienne ou de culture catholique ? L’autre question soulevée reste de savoir comment comprendre et analyser objectivement le vote catholique en dépit de l’atomisation du peuple catholique dans une société en perte de repères, notamment religieux, philosophiques et moraux.

Selon un sondage IFOP, pour La Croix et Pèlerin rendu public en mai 2017, Emmanuel Macron aurait rassemblé 62% des suffrages exprimés par l'ensemble des catholiques et même 71% chez les pratiquants réguliers, c’est-à-dire ceux assistant à la messe au moins une fois par mois, alors que le Code de droit canonique actuel précise « que le dimanche et les autres jours de fête de précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de participer à la Messe » (canon 1248). L’Église considère-t-elle comme catholique des individus qui ne se rendent à la sainte messe que de manière (très) épisodique ? Le sujet mériterait vraiment d’être pris à bras le corps par la hiérarchie catholique…

Ces résultats présentés par l’IFOP doivent être pris avec des pincettes car les sondeurs nous expliquent que cette étude a été « réalisée en ligne dimanche 7 mai, et à partir d'un cumul d'interviews du 4 au 7 mai, auprès de 4.330 personnes inscrites sur les listes électorales, extraites d'un échantillon de 4.572 personnes dont la représentativité a été assurée par la méthode des quotas ». Moins de 5000 personnes pour une population dépassant les 60 millions est-ce vraiment pertinent sur le plan de la méthode et de la rigueur intellectuelle ? J’en doute fortement, sans même parler de leur fiabilité à définir des quotas objectifs.

Soyons clairs, un catholique qui a voté pour Macron est-il fidèle à l’enseignement de l’Église ? En étudiant la doctrine et l’enseignement catholiques, la réponse est forcément négative. De surcroît, après presque cinq années de mandature, tout le monde peut constater que les attaques contre la loi naturelle se sont amplifiées avec le Président Macron. Le doute n’est plus permis, même s’il ne l’a jamais été.


Zemmour un candidat catho-compatible ?

La question doit être clairement posée : un catholique peut-il voter pour Eric Zemmour (s’il parvient à obtenir les 500 signatures) ? Pour commencer, d’aucuns nous disent que des catholiques conservateurs de premier plan rejoignent Eric Zemmour. Comme à l’accoutumée, je n’entrerai jamais dans des querelles personnelles et m’en tiendrai essentiellement à des considérations doctrinales. Ces catholiques qui soutiennent Zemmour ont presque tous gravité à l’UMP ou chez les Républicains, voire au Front National-Rassemblement National. 

Objectivement, il paraît difficile de parler de pertinence et de cohérence intellectuelles pour ces catholiques ayant rejoint des organisations politiques non catholiques, qui non seulement ne défendent presque jamais la loi naturelle, mais qui en plus s’attaquent chaque jour à celle-ci. De même, l’influence de ces catholiques au sein de ces différents partis politiques et sur la société reste très marginale. D’une manière plus générale, comment faire confiance à des catholiques qui ont travaillé avec Nicolas Sarkozy ou soutenu François Fillon ?


Nous pouvons également remarquer que ces militants transfuges garnissent les rangs de la Manif Pour Tous (MPT) qui n’a guère été capable d’apporter de réelles victoires militantes en presque dix ans. Dans le même ordre d’idée, à l’époque du lancement de la MPT, j’avais dit et répété que leur stratégie était inefficace et peu clair leur discours politique pour obtenir l’abrogation des lois iniques… 

Mais revenons-en à Eric Zemmour. Est-il catholique ? Non ! De plus, il n’est pas athée car il reconnaît avoir d’autres croyances religieuses : «  C'est comme moi, je m'appelle Eric, Justin, Léon. Mais, à la synagogue, je m'appelle Moïse ». Néanmoins, la doctrine catholique enseigne qu’un catholique peut soutenir un non catholique à condition que celui-ci respecte et promeuve la loi naturelle. 

Or, chez ce candidat, nous ne trouvons aucune volonté de défendre la vie ou même d’abroger l’union légale des personnes de même sexe ou de renoncer à la PMA. Pire, il a même déclaré lors d’un entretien au Grand Jury le 24 octobre 2021 : « L'avortement est un drame pour chaque femme qui y a recours. Mais c'est un droit. Et je ne tiens absolument pas à revenir dessus. » Comment peut-il considérer que de tuer un enfant dans le ventre de sa mère s’apparente à un droit ? 

Cette seule proposition aurait dû en définitive lui aliéner pour de bon le soutien des catholiques authentiques. Parmi ces derniers, certains disent du bout des lèvres qu’il pourrait s’agir d’une pensée isolée ou d’une phrase prononcée trop précipitamment. Que nenni. Au cours du débat contre Bruno Lemaire, le 9 décembre 2021 sur le plateau de France 2, à des journalistes qui lui demandaient si une fois élu il reviendrait sur la loi Veil, Zemmour a clairement récidivé : « Non, je ne touche pas à la loi sur l’avortement ».


Dans la Note Doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique, publiée par le cardinal Joseph Ratzinger le 24 novembre 2002, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, nous lisons : « De la même manière, il faut rappeler le devoir de respecter et de protéger les droits de l’embryon humain. De même, il faut préserver la protection et la promotion de la famille, fondée sur le mariage monogame entre personnes de sexe différent, et protégée dans son unité et sa stabilité, face aux lois modernes sur le divorce : aucune autre forme de vie commune ne peut en aucune manière lui être juridiquement assimilable, ni ne peut recevoir, en tant que telle, une reconnaissance légale. De même, la garantie de liberté d’éducation des enfants est un droit inaliénable des parents, reconnu entre autre par les Déclarations internationales des droits humains » Que ceux qui veulent comprendre les choses en vérité comprennent quant aux autres… 

Eric Zemmour a même déclaré il y a quelques années : « Je suis pour l’Église contre le Christ ». Je n’entrerai pas dans des considérations théologiques très poussées et me contenterai de citer l’Évangile : «  Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes de l’Enfer ne prévaudront point contre Elle » (Matthieu 16-18). Il demeure impossible d’être pour le Christ contre l’Église ou le contraire. La Bible nous livre cette idée essentielle : « Il (Jésus-Christ) est la tête du corps de l’Église ; Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. » (Colossiens 1-18). Un catholique peut-il encourager une personne disant qu’elle se positionne contre le Christ ? Non, bien sûr. 

Lors d’une rencontre avec des étudiants de l’EDHEC, à la question pourquoi ne se convertirait-il pas au catholicisme, Eric Zemmour avait répondu, je cite de mémoire, qu’il avait été dans la minorité pendant 2000 ans (ou qu’il était issu d’elle), et qu’il ne tenait pas à rejoindre une nouvelle minorité. Il ne s’agit de ses propos exacts, mais l’idée générale reste conforme à sa pensée : le catholicisme en France se réduisant comme peau de chagrin, il ne voulait pas en être « puisque la France est aujourd’hui majoritairement non chrétienne ». 

Au cours de cet échange estudiantin, Zemmour semblait regretter la déchristianisation frappant notre pays, tout en affirmant ne pas ressentir le besoin de s’assimiler sur le plan religieux pour la raison évoquée plus haut. Or, l’adhésion totale à Jésus-Christ ne repose pas sur la question du nombre ou de la conformité sociale mais sur celle de la Vérité. Je suis intimement convaincu que Jésus est la Vérité et que l’Église catholique romaine reste, quoiqu’il arrive, maîtresse de Vérité : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jean 14-6).

Autre argument que j’entends très souvent chez certains catholiques : « Zemmour est le moindre mal ». Déjà, il faudrait prouver la validité de cette affirmation. Mais admettons que cela soit vrai. J’écris sans nulle réserve que le moindre mal reste un mal. Un jour lors d’une conférence, j’avais dit de manière très sérieuse : « La crème de la m… reste de la m… ». De plus, cet argument du moindre mal a été avancé pendant des années par des catholiques qui votaient Front National. L’expérience de quatre décennies nous montre une chose : en France le moindre mal (qui reste un mal) ne gagne jamais l’élection présidentielle. 

Zemmour et les catholiques : un mariage forcé ou une alliance contre-nature ?

Il m’apparaît comme nécessaire de rappeler trois points fondamentaux de la doctrine catholique de toujours, qui semble être aujourd’hui méconnue de la grande majorité des catholiques. Premièrement, la seule religion héritière et continuatrice de la Loi mosaïque est le catholicisme romain. Deuxièmement et par conséquent, l’Église catholique est le vrai Israël. Enfin, le sionisme qui a œuvré à la création de l’État d’Israël reste un adversaire religieux et politique de premier ordre. 

Il existe des confusions savamment entrevues par certains, comme celle d’une filiation hypothétique entre les royaumes de l’Ancien Testament et cette entité politique reposant une doctrine fausse. Les Juifs, du temps de Jésus et même après, ont rejeté la Révélation de l’Ancien Testament. Depuis maintenant 2000 ans, ils défendent une position incompatible avec celle défendue par la religion catholique : pour eux Jésus est un imposteur voire pire, pour nous - et en vérité - Il est Dieu. 

Zemmour, dans un souci de minorer la réalité voire même de l’écarter, a écrit dans un de ses livres que « Saint Louis fut un roi juif ». C’est méconnaître la vie de ce grand roi que d’avancer une telle ineptie. Louis IX fut un roi chrétien canonisé moins de trente ans après sa mort. Dire que Saint Louis fut un roi juif revient à nier les querelles théologiques qui existèrent sous son règne au sujet du Talmud. Ainsi quand les chrétiens découvrirent ce texte, ils purent y découvrir des passages foncièrement anti-chrétiens jugés blasphématoires. Par la suite, un procès en place publique se tint et des Talmud furent  brûlés pour marquer la condamnation de ces écrits par la Sainte Église. Louis n’était point présent mais la couronne était représentée par la belle et vertueuse Blanche de Castille. 


Il me semble important de préciser que Louis IX en 1230 interdit aux Juifs la pratique de l’usure jusque-là défendue aux seuls chrétiens. Ce n’est pas tout : en 1253, le Roi de France ordonna leur expulsion du royaume. L'année suivante, il leur interdit de pratiquer le crédit et leur précisa, sous peine d'expulsion, de cesser immédiatement « leur usure, sortilèges et caractères ». En 1257, avant de partir à la Croisade, il chassa les usuriers se mettant hors la loi et vendit leurs biens. Dans son infinie sagesse, Louis ne toucha nullement aux cimetières juifs et autres synagogues, ainsi que les objets du culte, qui furent laissés aux différentes communautés.

Propager ce mensonge : « Saint Louis fut un roi juif » conduit inévitablement à oublier que ce Roi Très-Chrétien a tenté par deux fois de reprendre le tombeau du Christ aux Infidèles. Durant tout son règne, il s’inspira et mit en pratique les valeurs chrétiennes et évangéliques. Il acheta et sauva la Couronne d'Épines et il fit construire - entre autres - la Sainte Chapelle à Paris pour accueillir et sauvegarder cette précieuse relique.

En travestissant l’histoire de cette manière, Zemmour tente de réduire le fossé doctrinal qui existe entre la doctrine talmudique et la doctrine catholique. Il sait exactement ce qu’il fait en écrivant cela. Il n’est ni sot, ni inculte. Il tente une stratégie politique à laquelle je ne succombe pas car je connais le dessous des cartes. Il ne peut y avoir deux vérités religieuses, ni même de compromis sur Jésus-Christ et l’Église. Zemmour sait pertinemment que le Pape Innocent IV dans sa lettre intitulée, Impia Judaeorum Perfidia du 9 mai 1244 au Roi de France Louis IX, condamna le Talmud sans la moindre équivoque. Pourquoi n’en parle-t-il pas ? Poser la question revient à y répondre. 


Certains disent que ce qui pose problème avec Zemmour n’est pas ce qu’il dit mais ce qu’il ne dit pas. Je ne suis pas de cet avis. Dans ce que Zemmour dit et écrit, il y a souvent des incohérences, des oublis voire des mensonges. Prenons un nouvel exemple concret. Zemmour a couché sur papier l’affirmation suivante : « Israël a été pendant des siècles le modèle de la France ». Il ne précise pas de quel Israël il s’agit ? Est-ce le pays d’Ariel Sharon et de Benyamin Netanyahou ? Bien sûr que non ! Les Rois de France se sont inspirés du royaume d’Israël qui nous est connu par l’Ancien Testament. Nous catholiques regardons les Livres qui le composent comme saints et sacrés. Cette horrible confusion peut égarer les esprits les moins doctes et les cerveaux des plus fragiles. Ne nous y trompons pas, le soldat de Tsahal n’est certainement pas le digne héritier du chevalier croisé des Temps Féodaux. 


Posons le problème autrement : que dit Zemmour sur le grignotage des quartiers chrétiens de Jérusalem par les programmes gouvernementaux sionistes ? Rien ! A-t-il répondu à l’appel des religieux chrétiens qui demandaient de l’aide car ils risquaient d’être mis à la porte ? Non. De même, il s’est rendu en Arménie pour défendre la cause arménienne sans jamais dire que l’État juif a massivement soutenu l'Azerbaïdjan en lui livrant des armes pour écraser le Haut-Karabagh arménien et chrétien. La manœuvre était presque subtile : Zemmour devait montrer, sans l’air de le faire, que le sionisme n'est pas l'ennemi des Arméniens. Alors que c'est précisément le cas. Avec sa réclame publicitaire dans cette terre chrétienne, Zemmour apporte simplement de l'eau au moulin de Netanyahu. Effectivement, ce dernier propage constamment la fable d'Israël « rempart des chrétiens » en Orient : certains sont assez naïfs pour y croire...



Conclusion 

Zemmour ne défend pas les fameux points non négociables (protection de la vie de sa conception jusqu’aux fins dernières, défense de la famille fondée sur le mariage homme-femme et la filiation biologique), il s’entoure de gens qui ont échoué politiquement durant des années et/ou qui ont été membres de partis politiques ayant participé à l’abaissement de la France. Alors oui, il dit certaines vérités que nous disons depuis longtemps. Cependant, il en oublie d’essentielles et ne dénonce pas les vrais fauteurs de troubles. Il ne désire pas restaurer le catholicisme comme religion d’État et ne s’inscrit donc pas dans la tradition politique catholique de notre pays. Le plus important à mes yeux reste que Zemmour n’est pas catholique. 

Par conséquent, en tant que catholique, je ne voterai pas Eric Zemmour. Mais je prie ardemment pour sa conversion, car tel est mon devoir… et je n’oublie pas tous les autres candidats à l’élection présidentielle dans mes prières.


Franck ABED



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