Entretien avec MappaMundi - 2

 MappaMundi : Le pays est plus que jamais fracturé, cela a été mis en exergue en ce début d’année au sujet des retraites. Comment concevez-vous la vie politique actuelle et celle qui suivra Emmanuel Macron, dont l’élection en 2017 avait bouleversé les équilibres partisans traditionnels ?


L’actuelle vie politique et intellectuelle est dominée par le néant et l’absurde. Il n'y a malheureusement plus de vrais débats d'idées ni de véritables confrontations intellectuelles. C'est une triste réalité qu'il faut regarder en face. Tout se résume à des formules chocs diffusées en boucle sur les médias sociaux. Les acteurs politiques préfèrent les attaques personnelles, les phrases creuses et la vanité plutôt que de réfléchir sérieusement aux nombreux problèmes qui affectent la vie quotidienne des Français.


Emmanuel Macron participe volontiers à cette abêtissement de notre vie politique en utilisant des phrases vides de sens ou complètement hors-sol. Je n'oublie pas également son mépris constant envers le peuple français. Rappelons qu'il est censé être le chef de l'Etat. En France et à l'étranger, beaucoup considèrent qu'il n'incarne pas correctement son rôle de Président.


De plus, Macron représente parfaitement la caste politique qui détruit notre pays. Revenons rapidement sur les grandes lignes de son parcours. Il est sorti de l'ENA en 2004 pour devenir inspecteur des finances. En 2007, il a été nommé rapporteur adjoint de la commission pour la libération de la croissance française, connue sous le nom de « commission Attali ». Ce nom s'est révélé prophétique pour ceux qui comprennent le dessous des cartes…


En 2008, Macron a rejoint la banque d'affaires Rothschild & Cie, dont il est devenu associé-gérant en 2010. Son parcours ressemble fortement à celui de Georges Pompidou. Macron avait auparavant été proche du Mouvement des Citoyens et membre du Parti socialiste. En 2014, il est devenu ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique sous la présidence de François Hollande. Nous sommes à des années-lumière d'une personne bâtissant sa carrière par une remise en question profonde de l'Etablissement... Ecrire cela n'est ni un avis subjectif, ni une attaque personnelle. C'est un fait objectif que chacun peut constater librement. Macron est l'archétype du serviteur zélé de la République.


Au-delà de certains aspects cosmétiques consistant à donner l’illusion qu’il est différent, Macron agit exactement comme ses prédécesseurs : engagements non tenus et parole non respectée. Macron ne comprend pas plus la France que les Français. Il se montre incapable de proposer des projets politiques ambitieux permettant à la France de retrouver une place digne de ce nom sur la scène internationale.


Tant que les Français ne comprendront pas les dangers majeurs de la Révolution, les impasses de la démocratie et de la République, les dangers du libéralisme, qu'il soit philosophique ou économique, notre situation politique ne pourra guère s'améliorer. Il faut une véritable prise de conscience de la part des Français pour qu'ils admettent que seule la monarchie catholique pourra nous sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes confinés depuis trop longtemps.


MappaMundi : Le clivage droite-gauche est-il selon vous mort pour de bon ou nous dirigeons-nous vers un retour à l’ « ancien monde » ?


Le clivage gauche-droite peut être très pertinent, selon moi. La question essentielle est de savoir ce que les acteurs politiques désignent lorsqu'ils utilisent les termes de gauche et de droite.


Depuis presque 20 ans ans, j'explique que le clivage gauche-droite en France est totalement biaisé et virtuel. Je le dis sans détour : la droite politique n'existe pratiquement plus en France. Les rares représentants de la droite sont presque absents des grands médias traditionnels pour promouvoir leurs opinions. Parler de clivage gauche-droite dans le Grand Forum Public (GFP) relève soit d'un abus de langage, soit d'une fraude intellectuelle.


De plus, la gauche, ou plus précisément les gauches, aiment désigner certains de leurs adversaires comme étant de droite. Ils participent joyeusement à cette confusion idéologique car cela leur convient. En politique, tout comme à la guerre, il est important de désigner l’ennemi prioritaire. Mais comme les mots et les concepts perdent de leur sens voire en changent, le combat politique devient complexe parce « si tout se vaut, rien ne vaut ».


Dans mon étude intitulée Panorama critique de la droite nationale, je démontre que toute la vie politique française repose sur un faux clivage gauche-droite. Jean-Marie Le Pen est souvent considéré comme étant de droite, alors que ses idées sont totalement éloignées des fondements doctrinaux de la droite. Le Front National se définit comme démocrate, républicain et laïque. Le Rassemblement National suit le même parcours idéologique. Etre de droite, de manière intrinsèque, signifie combattre la Révolution et défendre le Roi. Aujourd'hui, les personnes qui se revendiquent à tort de la droite en sont très éloignées.


La méconnaissance des politologues et des politiciens se révèle chaque fois qu'ils classent Wauquiez, Zemmour, Sarkozy, les Le Pen, etc., comme étant de droite. Ces personnalités sont positionnées à droite de l'échiquier politique républicain, mais elles ne sont certainement pas de droite au sens authentique et premier du terme... En résumé, il est risible de réduire la droite philosophique et politique à des questions de sécurité et d'immigration. Quant à la droite dite réactionnaire, elle n'a aucun avenir politique dans notre pays.


Le clivage gauche-droite pourrait se résumer ainsi : d'un côté, ceux qui promeuvent l'ordre et la loi naturelle et de l'autre ceux qui les combattent. Un homme de droite considèrera toujours que le Décalogue et le Sermon sur la Montagne sont supérieurs aux lois civiles comme, par exemple, les Droits de l'Homme et du Citoyen. Quel homme politique se prétendant de droite peut affirmer dans les grands médias que le temporel doit être subordonné au spirituel ? Qui déclare haut et fort que la Bible est supérieure aux lois humaines ? Aucune personne présente dans le GFP. Ce constat pulvérise les prétentions des prétendus hommes politiques de droite. Quant aux journalistes et autres analystes politiques qui n'arrêtent jamais d'évoquer le pluralisme des opinions, leur posture de défendre la liberté d’expression ne résiste pas face au mur intransigeant de la réalité…


MappaMundi : Que pensez-vous de l'idée d'une Europe unifiée de « l'Atlantique à l’Oural », comme l'a formulé le Général de Gaulle ?


Avant de répondre à cette question, il me semble fondamental de rappeler le contexte géopolitique qui présidait lorsque cette déclaration fut prononcée. En effet, dans son discours prononcé à Strasbourg en 1959, le Général de Gaulle avait évoqué « l'Europe, de l'Atlantique à l’Oural ». Il s'agissait pour lui d’énoncer une phrase provocante qui resterait dans les esprits. Il critiquait, de fait, une situation géopolitique qu'il jugeait défavorable, à savoir que la France et l'Europe se trouvaient prises dans un étau diplomatique et géopolitique. Son objectif était de briser le duopole entre Washington et Moscou pendant la Guerre froide.


Cependant, à y réfléchir sérieusement, tout le monde ou presque savait que cette phrase ne pouvait donner naissance à un projet politique concret. La Russie se situe à la fois sur le continent européen et asiatique. Peut-on inclure seulement une partie d'un pays dans une union politique ? Bien sûr que non. De même, dans les années 1960, ni les Soviétiques ni la plupart des chefs d'Etat européens ne souhaitaient cette union politique, dont on se demande encore comment elle aurait pu fonctionner correctement. Aujourd’hui, personne de sérieux ne défend cette idée quelque peu saugrenue d'une Europe unifiée de l'Atlantique à l’Oural.


Nous constatons depuis plusieurs décennies que l'Union européenne rencontre d’énormes difficultés à proposer une vision commune, que ce soit en matière de politique intérieure, d'économie, de lutte contre le terrorisme, etc. La récente crise du Covid a encore démontré l'incapacité des technocrates européistes à gérer efficacement des événements imprévus. Le même constat peut être posé pour l'immigration massive et le terrorisme qui touchent de nombreux pays européens.


Une Union européenne démocratique ou technocratique composée de 20 ou 30 Etats ne peut être une solution efficace pour diriger les affaires des pays européens. Une UE s'étendant jusqu'à l'Oural relève de l'absurdité géographique, historique et politique.


J’expose clairement mon opinion : l'Europe politique doit trouver ou retrouver sa vocation. L'UE doit cesser d'intégrer de nouveaux pays. Elle doit se doter d'une vision philosophique et militaire propre à son histoire et à sa civilisation. Je prône une Europe souveraine, indépendante, capable de préserver son identité culturelle et son patrimoine face aux changements socio-politiques provoqués, entre autres, par le mondialisme et la fausse culture dite de l'effacement. L'Europe politique, pour utiliser une métaphore, doit être une armure de chevalier et non un cheval de Troie.


MappaMundi : Le 9 janvier 1873, Napoléon III décédait en exil en Angleterre. Bien que de nombreuses discussions aient entouré le bicentenaire de la mort de son oncle, peu ont évoqué le cent cinquantième anniversaire de sa mort. Quelle est votre opinion sur cette figure que la Troisième République a tenté d'effacer de la mémoire nationale ?


Napoléon III incarne un double paradoxe. Il est à la fois notre dernier souverain et le premier homme politique élu à la plus haute fonction par le suffrage dit universel (masculin). De plus, il est souvent critiqué mais reste méconnu alors que son histoire est passionnante.


J'ai toujours considéré que Napoléon III était sous-estimé, alors qu'il appartient sans aucun doute à la catégorie des plus grands chefs d'Etat français. Une légende noire persistante, notamment véhiculée par Victor Hugo, a terni son bilan politique aux yeux du grand public. Heureusement, depuis de nombreuses décennies, des historiens chevronnés lui rendent justice et reconnaissent la valeur de son action.


En ce qui concerne la Troisième République, il est courant dans les systèmes républicains et démocratiques de dénigrer la personne qui était au pouvoir avant soi. Je mets de côté les querelles idéologiques qui me semblent totalement inutiles. J’affirme sans aucune réserve que Napoléon III a largement contribué à la modernisation du pays en stimulant l'économie française et le développement des chemins de fer. Sous son règne, la France a connu une croissance industrielle significative, en particulier dans les secteurs de l'acier, du textile, du charbon et de la chimie.


Napoléon III a lancé d'importants projets d'infrastructures, tels que la construction de routes, de canaux, de chemins de fer et de ports, dans le but de faciliter le transport des marchandises et de favoriser le commerce. Ces projets ont aussi créé de nombreux emplois et stimulé l'économie. Paris a connu une transformation positive grâce à l'impulsion du baron Haussmann. Les rues se sont élargies, de grands boulevards ont vu le jour, des parcs et des places ont embelli la capitale. Sur le plan économique et social, Napoléon III s'est toujours soucié de lutter contre la pauvreté et d'améliorer le niveau de vie des couches sociales les plus défavorisées.


Au sujet des relations extérieures, le bilan est plus mitigé en raison de la désastreuse expédition mexicaine. Cependant, un Français attaché à la grandeur de la France ne peut reprocher à Napoléon III d'avoir voulu renforcer la position de notre pays sur la scène internationale. Il a mené une politique ambitieuse en soutenant différentes causes, telles que l'unification de l'Italie. Une fois de plus, l'objectif était d'affaiblir les Habsbourg, comme à l'époque des glorieux Bourbons. Cela a permis à la France de récupérer la Savoie et le comté de Nice. L'empire colonial s'est bien développé pendant le  Deuxième Empire.


Certains critiquent Napoléon III en affirmant qu'il a mis en place un régime autoritaire, mais les Français de l'époque ne vivaient pas sous une tyrannie. Je souligne également que le gouvernement napoléonien bénéficiait d'un réel soutien populaire, comme en témoigne le plébiscite du 8 mai 1870 qui fut un véritable succès pour le pouvoir…


L'action de Napoléon III a véritablement contribué au rayonnement de la France. Il a su prendre des décisions décisives dans l'intérêt supérieur de notre pays. Il serait injuste de réduire plus de 20 ans de gouvernement au coup d'Etat, à la répression de certaines révoltes et à la défaite de Sedan. Napoléon III fut un grand souverain. Je renvoie aux études publiées par Pierre Milza, Eric Anceau et Thierry Lentz qui convaincront les chercheurs de Vérité…




Propos recueillis le 8 juillet 2023



FRANCK ABED




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